Durant les vacances, une de mes petites filles plus si petite que cela car déjà en 4e devait faire un exposé sur « les castrats ». En général, elle est assez autonome, mais là, elle m’a demandé si je pouvais l’aider et ma foi, j’étais plutôt ravie à deux titres, le sujet m’intéressait d’une part mais par ailleurs cela me donnait une occasion de faire un article....
Je savais bien sûr, qu’un castrat était un chanteur de sexe masculin ayant été castré avant ou lors des premiers stades de la puberté afin de garder le registre aigu de sa voix enfantine. Cette opération fabriquait des chanteurs ayant le larynx d’un jeune garçon et le coffre d’un adulte, d’où une voix puissante et de grande envergure. On pouvait mettre en parallèle la voix d’un castrat avec celle d’un soprano mais dont le timbre était, affirmait- on, tout à fait incomparable. Selon la hauteur de sa voix, un castrat pouvait être classé soprano ou contralto.On dit que les meilleurs castrats pouvaient rivaliser en puissance avec une petite trompette.
Les premiers chanteurs castrés apparaissent dans l’Empire byzantin. . En Occident, les premiers castrats connus chantent dans la chapelle du duc de Ferrare à la fin des années 1550, le duc trouve tout à fait normal de faire appel à des castrats. Le premier castrat espagnol entre dès 1582 dans le choeur de la Chapelle Sixtine donc, la chapelle privée du Pape et en 1589, le pape Sixte Quint autorise l’emploi des castrats dans le choeur de la chapelle Giulia de la basilique Saint-Pierre et dès 1599, on trouve officiellement deux chanteurs prêtres oratoriens qualifiés de « eunuchi ».
Au début du XVIIe siècle, on trouve des castrats au service de tous les princes dirigeants italiens, ainsi que dans les cours allemandes. Tous ces chanteurs sont Italiens pour la plupart, castrés et formés en Italie.
Le développement de leur technique vocale est du aux progrès accomplis dans le domaine du bel canto. Ils interprétaient des oeuvres lyriques en principe hors de portée d’une voix d’homme adulte. Carlo Broschi dit Farinelli (1705-1782) fût l’un des plus célèbres.Sa carrière a d’ailleurs inspiré un film et plusieurs récitals discographiques.
Mais la pratique de la castration pour obtenir cette voix particulière, fût interdite par le pape Clément XIV à la fin du XVIIIe siècle, on assista donc à la disparition progressive des castrats au cours du siècle suivant et le début du XXe siècle.
Il reste un enregistrement sur cylindre de cire du dernier castrat Alessandro Moreschi (1858-1922) qui était en fin de carrière et dont la voix est assez chevrotante.
L’histoire salue donc les exploits de Farinelli, Caffarelli, Salimbeni, Appioni et autres Porporino et loue la beauté de ces voix. « Issus de milieux défavorisés, les castrats les plus doués connaissaient la richesse et la gloire. Ceux qui réussissaient étaient comparables à nos stars du foot ou du rock » raconte Patrick Barbier historien de la musique. Une hystérie collective s’emparait du public en les écoutant chanter dans les églises et les opéras du XVIIe et XVIIIe siècles et on accédait à leurs moindres caprices.
Mais l’histoire oublie de nous révéler les drâmes humains qui pouvaient se cacher derrière ces quelques célèbres réussites.
Quelqu'un a réparé cette injustice. Une femme mezzo-soprano Cecilia Bartoli que cette recherche m’a permis de découvrir. Elle leur rend hommage dans son nouvel album « sacrificium » et le dédie aux milliers de jeunes garçons niés au nom de la gloire musicale et qui terminaient souvent leur vie seuls, dans la pauvreté et oubliés de tous. " Car ceux qui échouaient ne pouvaient pas se marier, ils devenaient des parias, ils étaient relégués dans un choeur " Elle explique aussi l’interdiction faite aux femmes de monter sur scène, ce qui incita l’opéra à recourir durant des siècles aux chanteurs castrés venus d’Italie ou d’ailleurs. Elle précise " ne nous leurrons pas. C’est avant tout une tragédie énorme. J’ai découvert l’ampleur du carnage en même temps que la superbe musique qui leur était destinée Les familles pauvres et nombreuses permettaient la mutilation d’un fils dans l’espoir de succès et poussées par des impressarios peu scrupuleux. J’ai alors décidé que cet album devait parler de tout et de ces enfants martyrs du 18e siècle."
La pratique des « castrats » fût à son apogée au XVIIe siècle où jusqu’à 4000 garçons étaient émasculés chaque année rien qu’en Italie. Cette cruelle pratique diminua au XIXe siècle, les femmes accédant à l’univers de l’opéra. Elle compare d’ailleurs cette pratique aux sacrifices de notre époque « chirurgie plastique, botox etc »
Son album qui accompagne le CD comporte un lexique très complet sur leur histoire intitulé « Evviva il cottelino » (Vive le petit couteau) le cri qui saluait la performance sur scène de ces castrats.
Cette recherche m’a donc permis d’approfondir des connaissances somme toutes superficielles sur les castrats, de découvrir un album interpété par une des plus grandes mezzo-sopranos au monde (ce n’est pas moi qui l’affirme) et plaisir suprême de partager cela avec mapetite fille qui pour une fois non seulement a goûté à une autre musique bien différente de son répertoire habituel mais oh surprise l’a appréciée et ce n’était pas pour me faire plaisir, je sentais un réel intérêt.
En espérant ne pas avoir été trop longue, je vous souhaite une agréable journée.